Fréquenter les assises de l'imane
La Prière, la récitation du Coran comme les autres disciplines de souvenance sont plus efficientes si elles s'accomplissent en commun. Il y a une vertu particulière dans l'assemblée des fidèles ; on devient plus courageux en compagnie des braves, les troubles psychiques disparaissent dans le bain des psychodrames dont la psychanalyse moderne découvre les techniques. La psychanalyse montre l'effet bénéfique de la communion entre le patient et le psychiatre qui écoute. Il ne faut pas chercher plus loin le secret de la réussite de cette thérapeutique. En guerre comme en psychanalyse, les egos sont seuls en cause avec, en arrière-plan, le sentiment humain, terrain des vertus de courage, de pitié et de compassion, vertus qui, par un phénomène de vases communicants, passent d'un individu à l'autre, d'un groupe d'individus sains et forts aux individus pusillanimes ou malades. Il y a contagion des sentiments dans la troupe à l'assaut et dans l'assemblée du psychodrame. Quelquefois, un seul être, particulièrement doué de vertus solides ou de charisme, magnétisme des personnalités fortes, peut influencer les foules et enlever l'enthousiasme.
Au niveau du coeur et des vertus imaniques la même contagion opère. Les assises de l'iman (majâlis al-iman) sont des réunions d'étude et de dhikr. Au temps du Prophète, ces réunions étaient reconnues pour leur effet tonique sur les vertus de chacun. Au cours des siècles, les soufis,. les vrais, ont cédé et cèdent toujours au transport du wajd, ce sentiment de Dieu qui, en assemblée de dhikr, inonde les coeurs de joie divine qui déborde sur le corps. La querelle autour de ce que les légalistes appellent « danse impie des soufis » n'est pas la nôtre. Les pseudo-soufis, imitateurs ignorants ou charlatans sataniques, reproduisent les gestes des hommes de Dieu en extase, mais en vérité, ils se livrent à une simple danse que les légalistes, qui ne font pas de distinction, ont raison de stigmatiser. Nous revenons aux sources pour retrouver les recommandations authentiques, recommandations qui ne mentionnent en aucune façon des gestes incontrôlés. Aux soufis, ivres de joie, de justifier leurs remuements.
Anas, le Compagnon, rapporte que Abdallah Ibn Rawaha, un autre Compagnon, disait chaque fois qu'il rencontrait un autre Compagnon : « Viens que nous pratiquions l'iman un moment ! ». Un jour il fit cette invitation à un homme qui se fâcha et vint trouver le Prophète : « Ô Messager de Dieu, lui dit-il, ne vois-tu pas cet Ibn Rawaha qui enseigne à sa façon et non à la tienne l'iman d'un moment ? ». « Que Dieu garde Ibn Rawaha ! » dit le Prophète, « il aime les réunions où les anges font compétition pour assister ».
Extrait de "Révolution à l'heure de l'islam", Abdessalam Yassine